Xavier Chardon dévoile la stratégie de Citroën et ses attentes face à l'Europe

C’est une prise de parole attendue qui intervient à un moment charnière pour l’industrie automobile française. Xavier Chardon, à la tête de Citroën depuis juin dernier, a accordé une interview ce week-end dans les colonnes du Journal du Dimanche (JDD). L’occasion pour le dirigeant de dresser un bilan lucide de la situation, de présenter la stratégie de reconquête commerciale de la Marque aux chevrons et, surtout, d’exprimer des attentes claires concernant les prochaines annonces de la Commission européenne prévues pour décembre. Entre lucidité sur le passé récent et optimisme mesuré pour l’avenir, décryptage des annonces clés qui vont rythmer la vie de Citroën dans les mois à venir.

Une marque sous-cotée qui doit renouer le lien de confiance

Revenu aux commandes de Citroën plus de dix ans après son départ pour le groupe Volkswagen, Xavier Chardon pose un regard neuf mais expérimenté sur la maison qu’il a connue en 1994. Son constat est sans appel : l’univers a « énormément changé ». Si Citroën reste une marque centenaire et puissante, capable de renaître de ses cendres à chaque crise, son directeur général estime aujourd'hui qu'elle est « sous-cotée ». Selon lui, la Marque possède des atouts indéniables mais souffre d’un déficit de connexion avec ses interlocuteurs clés.

L'objectif prioritaire affiché est donc de « se reconnecter aux clients, au réseau et à la presse ». Cette volonté de transparence et de proximité s'est illustrée récemment lors de la gestion de la crise des airbags Takata et des moteurs PureTech. Xavier Chardon insiste sur la mobilisation de l'entreprise : « Nous avons fait ce qu'il fallait », rappelle-t-il, en soulignant que 90 % des véhicules concernés en France ont déjà été rappelés. Cette gestion de crise, caractérisée par la mise à disposition de 40 000 voitures de courtoisie, marque la première étape de cette reconnexion : prouver aux clients que la Marque est à leurs côtés pour retrouver leur confiance. Pour Xavier Chardon, il est impératif d'innover non seulement dans les produits, mais aussi dans la relation client pour faire briller à nouveau le blason Citroën.

Le retour aux fondamentaux : confort, espace et intelligence utile

Cette reconnexion stratégique s’appuie avant tout sur une offensive produit majeure. La gamme a considérablement évolué ces derniers mois avec le lancement de la nouvelle C3, du C3 Aircross, de la C4 restylée et la révélation du C5 Aircross. Pour Xavier Chardon, l’identité de Citroën est claire et historique : la marque a toujours été « créative, utile et accessible ». Il cite volontiers la 2CV en exemple, une voiture pensée pour la vie quotidienne et accessible à tous, pour illustrer la philosophie actuelle.

La recette appliquée par la nouvelle direction est simple : offrir « plus pour moins cher ». Cela se traduit concrètement par davantage d’espace, de confort et de volume, mais en éliminant le superflu technologique qui alourdit la facture sans apporter de valeur d'usage réelle. « Nous ne serons jamais champions du 0 à 100 km/h », admet-il avec pragmatisme. L'accent est mis sur le bien-être de tous les occupants du véhicule, et pas seulement celui du conducteur.

Cette approche se matérialise par ce que Xavier Chardon appelle « l'intelligence utile ». À l'écoute des clients excédés par les aides à la conduite intrusives, Citroën a intégré un bouton permettant de tout désactiver d'un seul geste sur le nouveau C5 Aircross. C’est cette simplicité d’usage, couplée à une garantie étendue jusqu'à huit ans, qui doit redéfinir le "luxe" selon Citroën : un produit de nécessité bien pensé, plutôt qu'une débauche technologique. Le C5 Aircross, finaliste de l'élection Car of the Year, incarne cette ambition avec une autonomie électrique de 680 kilomètres, tout en laissant le choix des motorisations (thermique, hybride ou électrique) pour s'adapter aux besoins réels des usagers.

Électrification et enjeux européens : le rendez-vous du 10 décembre

Sur le front de l'électrification, Citroën avance avec des résultats probants. Aujourd'hui, un véhicule particulier sur quatre vendu par la marque en Europe est électrifié. La ë-C3 se positionne déjà comme la deuxième meilleure vente de son segment, et une version « Urban Range » à 14 990 euros (aides déduites) est déjà disponible. Xavier Chardon souligne que grâce au bonus, la C3 électrique devient moins chère que sa version thermique, une prouesse qui répond parfaitement aux usages moyens des Français (34 km par jour).

Cependant, le contexte politique et économique reste un sujet de préoccupation majeur. Xavier Chardon attend beaucoup de la date du 10 décembre, jour où la Commission européenne statuera sur un possible assouplissement de l'échéance 2035 pour la fin des véhicules thermiques. Le dirigeant plaide notamment pour une révision des règles concernant les véhicules utilitaires, essentiels à la décarbonation mais dont le coût ne doit pas exploser sous le poids des normes. « On ne peut pas imposer des normes qui font monter les prix », avertit-il, rappelant que l'Europe est la seule région mondiale à ne pas avoir retrouvé ses volumes d'avant-Covid.

Il dresse un constat sévère sur l'évolution du marché : « On a transformé un produit de nécessité en produit de luxe ». Face à une concurrence chinoise qui bénéficie du soutien de Pékin et d'une avance technologique, Xavier Chardon appelle à des règles du jeu justes et à une visibilité accrue pour l'industrie européenne. Il compare l'industrie automobile à un « tanker » et non un « speed-boat » : l'anticipation est vitale. Si la concurrence est jugée saine et stimulante, elle nécessite néanmoins que les constructeurs européens puissent se battre à armes égales, notamment en relocalisant la production de batteries sur le Vieux Continent.

Avec cette prise de parole, Xavier Chardon s’inscrit dans la continuité de l'histoire de la marque tout en imposant sa propre vision pragmatique. Sans jamais citer la concurrence, il définit Citroën comme la réponse rationnelle à l'inflation automobile : une marque qui en offre davantage pour un prix maîtrisé. En attendant les décisions cruciales de Bruxelles, Citroën semble avoir affûté ses armes : une gamme électrifiée mais flexible, une technologie au service de l'humain et une volonté farouche de redevenir la marque populaire et essentielle qu'elle a toujours été.