Stellantis mise finalement sur Android Automotive
- Jérémy
- 5 juin
- 4 min de lecture

De profonds changements agitent Stellantis depuis le départ de Carlos Tavares, et la nomination d'Antonio Filosa à la tête du groupe ne devrait pas freiner cette dynamique. Parmi les évolutions les moins médiatisées, l'abandon d'une approche autonome pour les systèmes d'infodivertissement au profit d'une intégration d'Android Automotive marque un tournant stratégique majeur.
Stellantis et l'infodivertissement : de l'ambition solo à la réalité du marché
Il y a trois ans, Stellantis annonçait en grande pompe une révolution logicielle à travers le projet SmartCockpit, fruit d'une collaboration ambitieuse avec Amazon. L'objectif était clair : transformer l'expérience à bord en un véritable hub commercial roulant, générant des milliards de dollars de revenus annuels grâce à une multitude de services connectés dédiés. Navigation connectée, assistance vocale, marketplace intégré, services de paiement et personnalisation avancée étaient au cœur de cette vision audacieuse. Amazon devait apporter son expertise logicielle et son écosystème, promettant de faire de l'habitacle une extension de la maison connectée. Stellantis tablait alors sur 22,5 milliards de dollars de revenus annuels issus des services connectés et prévoyait 34 millions de véhicules connectés d'ici 2030.
Cependant, les promesses se sont heurtées à une réalité bien moins reluisante. Le projet SmartCockpit n'a jamais réellement pris son envol. Les équipes d'Amazon ont été réaffectées ou ont quitté le navire, les livrables concrets se sont faits attendre et le calendrier a été repoussé à maintes reprises. Initialement prévu pour équiper les modèles dès fin 2024, le SmartCockpit n'a jamais vu le jour. Les ambitions de personnalisation, telles que la détection du conducteur, les réglages automatiques ou l'intégration domotique avec Alexa, sont restées au stade de la communication. Le départ forcé du PDG Carlos Tavares, la chute de 40 % du titre Stellantis en 2024 et des ventes décevantes en Amérique du Nord ont achevé de sceller le sort de cette collaboration. Face à ces déconvenues, Stellantis a été contraint d'opérer un choix radical : abandonner le partenariat exclusif pour l'infodivertissement au profit d'une solution déjà éprouvée sur le marché. Cette décision, bien que surprenante après de telles annonces, témoigne de la volonté du groupe d'adopter une approche plus pragmatique.
Android Automotive : le choix de l'efficacité et de l'expérience utilisateur
Face à l'échec du projet SmartCockpit, Stellantis a opéré un virage stratégique majeur en se tournant vers Android Automotive, le système d'exploitation de Google. Ce choix s'inscrit dans une logique de pragmatisme et de recherche d'efficacité, comme en témoigne son adoption par de nombreux autres constructeurs majeurs tels que Volvo, Renault, Audi ou General Motors. Il est crucial de ne pas confondre Android Automotive avec Android Auto ; le premier est un système d'exploitation complet qui gère l'ensemble de l'infodivertissement du véhicule, de la navigation à la gestion vocale en passant par les services connectés et les applications tierces, tandis que le second est une application qui projette l'interface du smartphone sur l'écran de la voiture.
Les raisons qui ont poussé Stellantis à opter pour Android Automotive sont multiples. Sur le plan technique, ce système offre un environnement mature et robuste, bénéficiant du soutien de millions de développeurs et d'une base logicielle éprouvée. Cela permet d'accélérer considérablement le déploiement de services personnalisés, de mises à jour logicielles à distance (OTA - over-the-air), et d'intégrer des fonctionnalités avancées comme la gestion de la navigation, du multimédia, de la connectivité, ainsi que des assistants vocaux tels que Gemini ou Alexa. Pour les clients, les avantages sont concrets : une interface intuitive et familière, un accès à un vaste écosystème d'applications tierces, des mises à jour régulières garantissant l'accès aux dernières fonctionnalités, et une expérience utilisateur fluide et cohérente. Si Stellantis n'a pas encore tranché sur l'option d'une surcouche logicielle personnalisée basée sur Android AOSP, à l'instar de BMW ou Porsche, le simple fait de s'appuyer sur un socle commun comme Android Automotive simplifie grandement la tâche des développeurs et permet de rattraper le retard accumulé face à des acteurs comme Tesla, qui maîtrisent l'architecture logicielle de leurs véhicules de bout en bout, ou les constructeurs chinois comme BYD.
L'ambition initiale de Stellantis était de se transformer en une véritable "Tech-company", dépassant la simple fabrication de voitures pour devenir un acteur majeur des services connectés. Cependant, les déboires du projet SmartCockpit ont mis en lumière la complexité et les investissements colossaux nécessaires pour maîtriser de nouveaux terrains technologiques. Développer un système d'infodivertissement propriétaire à partir de zéro, capable de rivaliser avec les leaders du marché, s'est avéré être un défi de taille pour un constructeur automobile historique.
L'adoption d'Android Automotive représente un aveu de pragmatisme : il est parfois plus judicieux de s'appuyer sur des solutions existantes et éprouvées lorsque celles-ci offrent une efficacité et une maturité inégalées. Bien que le divorce soit net sur le volet SmartCockpit, Stellantis maintient des liens avec Amazon en continuant d'utiliser Amazon Web Services (AWS) pour le stockage et la gestion des données, et Alexa restera disponible sur certains modèles. Le groupe conserve également son architecture technique STLA Brain et son système d'aide à la conduite AutoDrive, et maintient son objectif de 34 millions de véhicules connectés d'ici 2030. Cela dit, ce revirement souligne la difficulté pour les constructeurs automobiles traditionnels de maîtriser la révolution logicielle. Là où Tesla, avec une gamme restreinte, a pu bâtir une architecture logicielle propriétaire, Stellantis doit composer avec la diversité de ses marques et l'hétérogénéité de ses fournisseurs. L'industrie automobile, confrontée à la montée en puissance du logiciel embarqué pour la gestion de la batterie, l'infodivertissement, les systèmes avancés d'aide à la conduite (ADAS) et les services d'abonnement à la demande, peine à suivre le rythme imposé par les nouveaux entrants du monde de la tech. En optant pour Android Automotive, Stellantis met toutes les chances de son côté pour offrir à ses futurs clients une expérience d'infodivertissement moderne et fiable, attendue dans les véhicules du groupe dans les mois à venir.
Il est sage de reconnaître ses erreurs de parcours ou de jugement
Gagner du temps, de la fiabilité donc de l’argent est benefique pour tout le monde
Sur le domaine des motorisations j’ai vu ( Jeremy nous en perlera certainement) que stellantis allait revenir sur sa décision concernant les V8
Stellantis nouvelle ère fait sienne son ambition de restaurer la confiance auprès de ses clients, et plus largement auprès du public, en gageant cette ambition sur le retour à la fiabilité tous azimuts . Ne nous leurrons pas cependant, les grands gagnants seront encore et toujours les actionnaires, mais les revers récents, vont sans doute limiter leur appétit au profit des investissements et de prix plus ténus pour relancer les ventes.
Du pragmatisme pour un système opérationnel et fiable... Espérons que ce retour à la raison s'impose à tous les étages, dans tous les domaines...