[Les hommes qui ont fait Citroën] Flaminio Bertoni, père des DS, 2CV et Traction
- Jérémy
- il y a 3 heures
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Dans le panthéon des grands noms qui ont contribué à faire de Citroën une marque à part, celui de Flaminio Bertoni résonne avec une force particulière. Si André Citroën fut le visionnaire et André Lefèbvre l'ingénieur de génie, Bertoni fut sans conteste l'artiste, le sculpteur qui a donné une âme et des formes inoubliables aux créations du Quai de Javel. Des lignes révolutionnaires de la Traction Avant à la silhouette divine de la DS, en passant par la bouille sympathique de la 2CV, son crayon et ses mains ont dessiné l'audace et l'innovation. Pour ce troisième volet de cette rubrique “Les hommes qui ont fait Citroën”, je vous invite à redécouvrir le parcours de ce maître du design automobile.
De Varèse à Paris, l'itinéraire d'un artiste visionnaire
C'est en Italie, à Varèse, que Flaminio Bertoni voit le jour en 1903. Fils de menuisier, il se rêve pourtant sculpteur et se découvre une passion dévorante pour la carrosserie automobile, une passion qui le mène, dès l’âge de 15 ans, à devenir apprenti chez le carrossier Macchi. Mais l'horizon italien lui semble rapidement trop étroit pour son ambition. Poussé par son épouse Giovanna, convaincue que son talent s'épanouirait pleinement dans la capitale mondiale des arts et de l’élégance, il part en 1931 tenter sa chance à Paris, avec femme et enfant sous le bras. Les débuts sont cependant modestes et difficiles. Il travaille pour de petits carrossiers, comme Sical ou Rothschild, où son talent est sous-employé et mal rémunéré. Le tournant de sa vie survient en 1932. Un ami l'informe que Citroën cherche un profil rare : un designer ayant une solide formation de sculpteur. Bertoni se présente au Quai de Javel. L'accueil est d'abord froid. Un chef de service, sceptique, lui tend le plan technique d'une simple poignée de porte et lui demande de la sculpter pour évaluer son talent. Face à ce dessin qu'il juge sans âme ni élégance, Bertoni fait un pari audacieux. Plutôt que de reproduire servilement la pièce, il sculpte en quelques heures sa propre version : une poignée ergonomique, fluide, artistique. Une démonstration éclatante de sa vision où la fonction doit épouser la beauté. Le geste bluffe son interlocuteur. L'audace paie : Flaminio Bertoni est embauché sur-le-champ. Il intègre le bureau de style où son génie créatif pourra enfin s'exprimer, marquant le début d'une collaboration légendaire, parfois houleuse mais incroyablement fructueuse, avec l'ingénieur André Lefèbvre

La naissance des mythes : de la Traction Avant à l’Ami 6
L'œuvre de Flaminio Bertoni chez Citroën est une succession de chefs-d'œuvre qui ont non seulement marqué leur époque, mais continuent de fasciner aujourd'hui. Sa première grande réalisation, la Traction Avant (1934), est une rupture stylistique totale. Bertoni impose une carrosserie monocoque aux lignes fluides et aérodynamiques, sans châssis séparé, qui tranche radicalement avec les caisses carrées de ses contemporaines. Il sculpte le vent autant que l'acier.
Après la guerre, il s'attaque au projet TPV ("Toute Petite Voiture") qui deviendra la mythique 2CV (1948). Le cahier des charges est purement fonctionnel : "quatre roues sous un parapluie". Loin de le brider, cette contrainte stimule sa créativité. Il ne cherche pas la beauté conventionnelle mais l'intelligence de la forme. Il dessine cette silhouette unique, à la fois simple, économique et reconnaissable entre toutes, qui deviendra un symbole universel de liberté et de sympathie.
Puis vient le couronnement de sa carrière : la DS 19 (1955). Présentée au Salon de Paris, elle provoque un véritable choc. C'est plus qu'une voiture, c'est un objet venu du futur. Bertoni la conçoit comme une sculpture, inspirée par la forme pure d'une goutte d'eau. Chaque ligne est tendue vers l'aérodynamisme et l'élégance, du nez plongeant sans calandre traditionnelle aux roues arrière carénées. Il signe ici son œuvre maîtresse, une "déesse" de la route qui incarne à elle seule le génie et l'avant-gardisme de Citroën.
Enfin, avec l'Ami 6 (1961), Bertoni démontre une nouvelle fois que sa créativité est guidée par la fonction. Pour offrir une habitabilité maximale et une grande malle sur une plateforme de 2CV, il imagine une solution audacieuse : la fameuse lunette arrière inversée en "Z". Si ce choix stylistique fut controversé à l'époque, il témoigne de sa volonté de ne jamais céder à la facilité, faisant du design une réponse intelligente à une contrainte technique. Malheureusement, la mort le surprendra brutalement en février 1964, d'une crise cardiaque, alors qu'il travaillait sur les premières esquisses d'une DS coupé.
Flaminio Bertoni est et restera l'un des piliers sur lesquels Citroën a bâti son identité légendaire. Bien plus qu'un simple designer, il était un artiste complet qui considérait l'automobile comme une œuvre d'art totale. Ses carrosseries, toutes plus étonnantes les unes que les autres, témoignent de son talent unique et de l'avance considérable qu'il avait sur son temps. En donnant une forme à l'audace, il a forgé durablement l'image d'innovation et de créativité qui, aujourd'hui encore, définit la marque aux chevrons.
Parmi tant d’autres qualités André Citroën savait s’entourer des meilleurs collaborateurs d’où les chefs-d’œuvre techniques et stylistiques créés par ces génies. Bertoni est aussi à l’origine du Belphégor.
Flaminio Bertoni a fait prendre un virage sans précédent non seulement à Citroën mais aussi à l’automobile en général.
Selon ses dires l’AMI 6 et la réalisation dont il est le plus fière parce qu’il l’a mené seul sans contrainte ni frein de personne ! Une bouille simpa l’adoption des premiers projecteurs rectangulaires et la lunette arriere en Z