[Les hommes qui ont fait Citroën] André Citroën : plus qu'un fondateur, un génie inspirant
- Jérémy
- il y a 16 heures
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Si Citroën occupe une place à part dans le paysage automobile mondial, reconnue pour son audace, sa capacité à innover et une certaine propension à emprunter des chemins moins fréquentés, c'est parce que ces qualités sont intrinsèquement liées à l'homme qui lui a donné naissance : André Citroën. Visionnaire, ingénieur de génie, publicitaire hors pair, il a imprimé sa marque de fabrique – faite d'audace, d'innovation et d'un regard résolument tourné vers l'avenir – au cœur même de l'ADN de l'entreprise. Son histoire, riche et inspirante, mérite d'être explorée pour mieux comprendre comment ses valeurs continuent de résonner au sein de la marque aux chevrons, plus de cent ans après sa fondation.
André Citroën : Des origines familiales aux premiers succès industriels
Né à Paris en 1878, André Citroën est issu d'une famille juive néerlandaise. Le nom "Citroën" trouve son origine dans l'activité de vente de citrons de son grand-père paternel, qui portait le nom néerlandais "Limoenman". En s'installant aux Pays-Bas, la famille aurait adopté le nom de Limoenman, transformé par la suite en Citroen (sans tréma à l'origine) puis francisé avec le tréma. Dès son plus jeune âge, André manifeste un vif intérêt pour les sciences et la technique. Ce penchant le conduit à intégrer la prestigieuse École Polytechnique en 1898, dont il sort diplômé en 1900. Son parcours initial le voit explorer le monde industriel, s'intéressant notamment aux engrenages. Lors d'un voyage en Pologne, il découvre un procédé de fabrication d'engrenages en forme de chevrons. Impressionné par leur efficacité et leur robustesse – ces engrenages hélicoïdaux doubles permettaient une transmission de puissance plus silencieuse et plus efficace – il en acquiert le brevet. Cette acquisition marquera un tournant, car cette forme de chevrons deviendra bien plus tard l'emblème iconique de sa marque automobile.
Le véritable test de ses capacités industrielles intervient pendant la Première Guerre Mondiale. Face à un besoin crucial et urgent d'obus d'artillerie, André Citroën propose aux autorités de mettre en place une usine capable de produire en masse ces munitions. En un temps record, il transforme un terrain vague du Quai de Javel à Paris en une usine ultra-moderne pour l'époque, appliquant et adaptant les principes d'organisation scientifique du travail découverts aux États-Unis, notamment chez Ford. Son efficacité est fulgurante : son usine produira des millions d'obus, démontrant sa maîtrise de la production à grande échelle et sa capacité à innover dans les méthodes industrielles. Cette expérience réussie lui forgera une réputation d'organisateur et d'industriel de premier plan, posant les bases de ses futurs projets.
André Citroën : Révolutionner l'automobile et marquer la société
Fort de cette expérience et animé par une vision audacieuse de l'avenir, André Citroën se lance dans un projet ambitieux à la fin de la guerre : la production en série d'automobiles populaires. En 1919, la Société Anonyme André Citroën est fondée, et la première voiture, la Type A, sort de l'usine de Javel. C'est une petite révolution : elle est la première voiture européenne produite en grande série, offrant des équipements standard jusqu'alors rares, comme un démarreur électrique et un éclairage. André Citroën ne se contente pas de fabriquer des voitures ; il invente le marketing automobile moderne en France. Il multiplie les campagnes publicitaires percutantes, utilise l'immense surface de la Tour Eiffel pour y faire briller le nom "Citroën" en lettres lumineuses (l'une des plus grandes publicités au monde à l'époque), organise des jeux-concours, propose du crédit à la consommation pour rendre l'automobile accessible au plus grand nombre, et développe un réseau de concessionnaires efficace.
Mais son audace ne s'arrête pas là. Pour prouver la robustesse et la fiabilité de ses véhicules, il organise de spectaculaires raids automobiles à travers les continents : la Croisière Noire en Afrique (1924-1925) et la Croisière Jaune en Asie (1931-1932). Ces expéditions, réalisées avec des autochenilles Citroën spécialement conçues, sont de véritables exploits techniques et logistiques qui captivent le public et renforcent l'image d'une marque capable de surmonter tous les défis. Parallèlement à l'automobile, André Citroën continue d'innover dans d'autres domaines, produisant notamment des jouets automobiles très populaires qui contribuent à ancrer la marque dans l'imaginaire collectif dès le plus jeune âge. Son génie réside dans sa capacité à penser l'automobile non pas comme un simple produit, mais comme un élément central d'un écosystème de services et de communication.
Un engagement sociétal et un héritage inspirant
Au-delà de ses réussites industrielles et commerciales, André Citroën se distingue par une vision progressiste de l'entreprise et de son rôle dans la société. Il est reconnu pour avoir mis en place des conditions de travail remarquables pour l'époque, notamment pour les femmes qu'il a massivement employées et à qui il offrait des avantages sociaux rares, comme des crèches pour leurs enfants au sein même de l'usine. Il était profondément convaincu que le succès d'une entreprise reposait aussi sur le bien-être de ses employés. Sa philosophie personnelle était également singulière : on dit qu'il ne possédait rien d'autre que ses usines, réinvestissant constamment ses profits dans le développement de ses entreprises plutôt que dans l'accumulation de biens personnels. Cette concentration sur l'outil industriel et l'innovation est une source d'inspiration, démontrant qu'une vision basée sur le travail et le progrès peut être une fin en soi.
Aujourd'hui encore, l'héritage d'André Citroën continue d'inspirer. Son audace à se lancer dans l'inconnu, sa capacité à innover en permanence, son sens aigu du marketing et son attention portée aux aspects humains de l'entreprise sont des valeurs toujours pertinentes. Récemment, son petit-fils, Henri-Jacques Citroën, a lancé une initiative visant à faire entrer André Citroën au Panthéon, le temple des grands hommes en France. Si cette démarche aboutissait, André Citroën serait le premier industriel à y reposer, une reconnaissance majeure de son impact non seulement sur l'industrie, mais aussi sur la société française dans son ensemble. Cette initiative souligne la dimension exceptionnelle du personnage, dont l'influence dépasse largement le cadre de l'automobile.
Incontestablement, la marque Citroën doit une part immense de son identité et de son succès à son fondateur, André Citroën. Cet homme d'exception a su se dépasser et anticiper, voire dépasser ses concurrents, en misant constamment sur l'audace, l'innovation technique et sociale, et la recherche de solutions nouvelles pour inventer et réinventer la mobilité. Plus d'un siècle après sa fondation, l'esprit d'André Citroën – fait de créativité, de pragmatisme et d'une volonté farouche de simplifier la vie par l'innovation – demeure profondément ancré dans la culture de la marque aux chevrons, la poussant à continuer d'explorer et de proposer des solutions de mobilité uniques et accessibles, fidèles à la vision de son génial créateur.