[Les Citroën méconnues] Citroën DS 27 : le projet qui aurait dû dominer les routes
- Jérémy
- 29 juin
- 4 min de lecture

Le vent du renouveau soufflait sur Citroën à la fin des années 1960. Après des décennies de turbulences suite au décès de son fondateur, André Citroën, la marque aux chevrons avait retrouvé sa grandeur d'antan. La DS, lancée en 1955, s'était imposée comme un véritable phénomène, permettant à Citroën de dominer le marché français avec près de 30 % des ventes de voitures neuves, soit environ 1,25 million de véhicules par an. Cependant, un talon d'Achille persistait : sa motorisation. Malgré les efforts des ingénieurs, le moteur quatre cylindres de la DS, bien que performant, ne correspondait plus aux ambitions d'une marque qui aspirait à rivaliser avec l'élite automobile mondiale. Pour asseoir définitivement sa position et concrétiser son statut de géant de l'industrie, Citroën prit la décision audacieuse de développer un nouveau porte-étendard, une limousine emblématique qui se voudrait une résurrection de l'esprit visionnaire d'André Citroën et de sa légendaire Traction 22 CV.
La genèse du Projet S : une vision sportive pour la DS
C'est dans ce contexte de succès et d'ambition que naquit le « Projet S » en 1966. L'équipe du Bureau d'Études de Citroën se lança dans le développement d'un modèle basé sur les composants de la DS, mais avec une orientation résolument plus sportive, exclusive et prestigieuse. L'objectif était clair : offrir à la DS, dont le style futuriste et la technologie de suspension hydropneumatique étaient sans égal, un moteur à la hauteur de ses prétentions. Ce projet, également connu sous le nom de DS 27, était bien plus qu'une simple amélioration. Il s'agissait de concevoir une voiture qui couronnerait non seulement la gamme Citroën, mais s'affirmerait aussi comme la limousine de référence en France, rivalisant avec les grands noms d'avant-guerre tels que Bugatti, Delahaye, Delage ou Panhard. Les ingénieurs de Citroën, malgré leur expertise dans l'optimisation des moteurs quatre cylindres, reconnaissaient la nécessité d'une motorisation plus puissante, idéalement un six cylindres, pour concrétiser cette vision. Le premier prototype de coupé équipé d'un nouveau moteur, un V6 Maserati, fut d'ailleurs assemblé dès 1967, avant même la signature de l'accord PARDEVI. Ce véhicule, conçu par le Bureau d'Études et carrossé par l'atelier Chausson, affichait une ligne sportive raffinée, subtilement inspirée de la DS originale, préfigurant ce que Citroën aspirait à réaliser avec ce modèle ambitieux.
Du Projet S à la SM : l'influence italienne et la concrétisation d'un rêve
La quête d'une motorisation adéquate pour le Projet S fut semée d'embûches. La fiscalité française pénalisait lourdement les véhicules équipés de moteurs de plus de 2,8 litres, et Citroën ne disposait pas en interne de la technologie nécessaire pour concevoir un moteur six cylindres à la fois léger, puissant et compact dans cette cylindrée. La solution vint finalement d'Italie, sous l'égide de Fiat. Le 25 octobre 1968, l'accord PARDEVI fut signé, marquant un tournant décisif. Fiat rachetait 49 % des parts de Citroën à Michelin et, simultanément, acquérait Maserati à la famille Orsi. Cette alliance stratégique ouvrait à Citroën les portes du savoir-faire italien en matière d'ingénierie, au moment précis où la marque française cherchait à insuffler une nouvelle dynamique à ses projets ambitieux. L'ingénieur Alfieri Maserati, renommé pour avoir créé le légendaire V8 de 4 146 cm³ de l'Indy, joua un rôle clé dans cette collaboration. Il transforma son V8 en un nouveau V6 de 2 670 cm³ spécialement pour Citroën. Ce moteur, développant 192 chevaux à 6 000 tr/min, offrait la puissance, la compacité et le potentiel attendus, plaçant Citroën au même niveau que des concurrents prestigieux comme Jaguar ou Mercedes. Un deuxième prototype du coupé, également produit par Chausson, vit le jour l'année suivante et fut même testé en rallye par l'excellent pilote M. Waldegaard, démontrant l'engagement de Citroën à évaluer non seulement l'élégance, mais aussi les performances de ce véhicule extraordinaire. Si le Projet S, ou DS 27, ne fut pas lancé en série sous cette appellation, il est indéniablement le père spirituel de la Citroën SM. Cette supercar, officiellement lancée en 1970, reprenait le moteur Maserati et certaines des ambitions du Projet S, concrétisant ainsi une partie du rêve de Citroën d'une grande routière sportive. Les raisons exactes de l'abandon de la DS 27 en tant que modèle à part entière restent sujettes à débat, pouvant être liées à des considérations fiscales, des coûts de production ou un changement de stratégie après l'intégration de Maserati dans le développement d'un modèle entièrement nouveau.
Les archives des constructeurs automobiles regorgent de projets fascinants qui n'ont jamais dépassé le stade de prototype ou de concept. Citroën, avec son histoire riche en innovations et en audaces, ne fait pas exception à la règle. Le Projet S, ou DS 27, en est une illustration parfaite. Ce coupé élégant et puissant, animé par un cœur Maserati, représente un chapitre méconnu mais essentiel de l'histoire de la marque. Il témoigne de l'ambition de Citroën de se positionner au sommet de l'automobile de luxe et de performance, une ambition qui fut en partie concrétisée avec la SM. Si la DS 27 n'a pas foulé nos routes en série, elle demeure le symbole d'une époque où Citroën rêvait grand, perpétuant ainsi l'héritage visionnaire d'André Citroën et de sa quête incessante de l'excellence.

Il me semble que dès l'origine, la DS aurait dû recevoir un six cylindres plus en adéquation avec son positionnement.
Pas le six cylindres en ligne 2867 cm³ de la Traction 15-6 mais un tout nouveau six cylindres à plat, comme chez Porsche avec la 911 ou Chevrolet avec sa Corvair, mais placé en position centrale avant et non en porte-à-faux arrière et refroidi par eau et non par air. Et probablement lui aussi limité à 2.7 l pour les mêmes raisons fiscales, la 15-6 étant en réalité taxée à 16 chevaux fiscaux.
Malheureusement, une fois encore, le développement d'un moteur étant extrêmement coûteux, le manque de moyens a obligé les ingénieurs à se rabattre sur une amélioration de l'antique…
Puisque nous sommes dans la nostalgie, aux études moteur, un ingénieur du nom de Becchia avait dessiné un quatre cylindres de 1987 cm3 avec 2 arbres à cames en tète et 4 soupapes par cylindres qui développait 143 CV à 5.500 t/mn.
Ce moteur fut monté et testé dans une caisse de Panhard 24 CT à peine modifiée et à 200 k/h le véhicule se comportait remarquablement bien.
Mais déjà dans les années 60 le projet F avait englouti beaucoup d'argent et les nuages s'accumulaient sur les finances de Citroën ...
C'est quand même curieux de songer que le sorcier André LEFEBVRE qui a débuter sa carrière chez Gabriel Voisin, ait pu concevoir des véhicules rapides, sans l'apport de mécaniques…
Merci Jérémy de rafraîchir la mémoire des passionnés et de tout toujours excellent travail d'écriture concise et précise.
Mais aussi de nous rappeler que tous ces merveilleux projets, jusqu'à récemment n'ont jamais été suivis d'effet.
Pire en ce moment avec pas grand chose sur l'établi 🙄
Content que l'article vous ait plu, le programme d'été sera dans cette optique : passion, passion, passion et découverte du fabuleux héritage de notre marque chérie dans tous les domaines (compétition, sport, publicité, cinéma...), de toutes nouvelles rubriques à découvrir
Je n’avais plus ce projet en tête