L'Europe prépare un plan pour sauver l'industrie auto et rendre l'électrique accessible
- Jérémy
- il y a 14 heures
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L'annonce de l'interdiction des voitures thermiques neuves à compter de 2035 a indéniablement fait l'effet d'un choc dans l'ensemble de l'écosystème automobile. Cette date, devenue un symbole puissant de la transition écologique, continue de bouleverser un monde automobile déjà sous tension. Entre la faible progression des ventes de voitures électriques, freinée par des prix élevés et une infrastructure de recharge perçue comme insuffisante, et la menace croissante des constructeurs, notamment chinois, qui se renforce chaque jour, le secteur européen est en proie au doute. Devant les appels répétés des constructeurs, qui alertent sur un risque de décrochage industriel, l'Europe semble enfin prête à réagir. Des signaux forts indiquent que la Commission européenne pourrait annoncer un assouplissement de sa stratégie pour booster un marché automobile en quête de souffle.
L'industrie automobile européenne face à un mur de défis
La situation actuelle du marché automobile en Europe est complexe et, à bien des égards, préoccupante. L'industrie souffre d'une accumulation de contraintes. D'une part, les normes réglementaires, notamment les futures normes Euro 7, deviennent de plus en plus contraignantes, entraînant une hausse significative des coûts de développement et de production. Ce renchérissement se répercute directement sur le prix d'achat pour le consommateur, au point qu'il est devenu quasiment impossible de trouver une voiture neuve polyvalente sous la barre symbolique des 15 000 €. D'autre part, l'obligation de passer au tout électrique d'ici 2035 se heurte à une réalité de marché : une grande partie des clients n'est pas encore prête à franchir le pas, que ce soit pour des raisons de budget, d'autonomie ou d'usages.
Ce cocktail de difficultés a des conséquences visibles : l'Europe est aujourd'hui le seul grand marché automobile au monde à ne pas avoir retrouvé ses niveaux de vente de 2019, avant la crise du Covid. Les multiples alertes lancées par les constructeurs, dont Stellantis, semblent enfin avoir été entendues à Bruxelles. Lors d'une récente rencontre avec la PFA (Plateforme automobile), Stéphane Séjourné, Vice-président exécutif à la Prospérité et la Stratégie Industrielle au niveau européen, a envoyé un message clair. Indiquant que "2035 ne doit pas être un totem", il a défini une nouvelle feuille de route pour "sauver l'industrie auto" qui s'articule autour de quatre objectifs majeurs :
Booster les volumes
Utiliser toutes les solutions pour décarboner
Protéger nos entreprises de la concurrence déloyale
Répondre aux attentes des consommateurs
Vers une neutralité technologique et des normes assouplies ?
Le cœur de ce changement de paradigme pourrait résider dans deux assouplissements essentiels. Le premier, et non des moindres, serait l'adoption d'une véritable neutralité technologique, une demande récurrente de nombreux industriels. Plutôt que d'imposer une unique technologie, en l'occurrence la voiture électrique à batterie (BEV), l'Europe pourrait garder les objectifs ambitieux de décarbonation tout en laissant les constructeurs libres des moyens pour y parvenir. Cela ouvrirait la porte à d'autres solutions, comme les carburants de synthèse (e-fuels) ou les motorisations hybrides rechargeables de nouvelle génération, permettant une transition plus douce et plus adaptée à la diversité des besoins.
En parallèle, la Commission pourrait, et c'est une demande forte de certains constructeurs dont Stellantis, accorder un cadre plus souple sur les normes. L'objectif est de déverrouiller la production et la commercialisation de voitures hybrides ou électriques à des tarifs bien plus accessibles, potentiellement sous les 15 000 €. Permettre le retour de véhicules neufs, plus sûrs et plus propres à des prix contenus est vu comme un levier essentiel pour accélérer le remplacement du parc automobile existant, qui est souvent composé de voitures vieilles et très émissives. C'est une stratégie de "meilleur est l'ennemi du bien" : il vaudrait mieux remplacer massivement de vieux diesels par de petites hybrides abordables que de ne pas les remplacer du tout en attendant un électrique inaccessible.
Quel futur pour les petites voitures électriques ? Les pistes à l'étude
Si l'Europe veut réellement "booster les volumes" et "répondre aux attentes des consommateurs", la question du prix est centrale. La Commission européenne semble donc déterminée à créer un cadre légal permettant le retour de voitures dans la tranche des 15 000 € à 20 000 €, celle qui a fait l'immense succès de modèles comme la Dacia Sandero. Selon l'agence Reuters, la Commission pourrait faire des annonces en ce sens dès le 10 décembre, en proposant un assouplissement des normes spécifiquement pour les petits véhicules. Cette démarche vise aussi à préparer le terrain face à une éventuelle arrivée massive de voitures chinoises à bas prix, même si la menace semble pour l'instant contenue. Une récente étude de l'Ifop montre qu'en France, à peine 6 % des automobilistes seraient prêts à acheter une voiture chinoise.
La question qui se pose est de savoir à quoi ressembleront ces futures petites voitures. Certains évoquent une solution à l'image des "kei cars" japonaises, ces micro-voitures qui bénéficient d'un cadre légal et fiscal spécifique. Mais pour atteindre ce niveau de prix, des concessions seront inévitables. S'agira-t-il de versions "allégées" des citadines actuelles jugés coûteux à homologuer ? Ou s'agira-t-il de versions "gonflées" de quadricycles, à l'image d'une "grosse" Citroën Ami ?
Les constructeurs ont deux leviers principaux pour baisser les coûts : la sécurité ou l'autonomie. Citroën, avec sa nouvelle ë-C3 autonomie urbaine, a déjà prouvé qu'il était possible de passer sous la barre des 20 000 € (hors bonus) en optant pour une batterie plus petite, mais suffisante pour de nombreux usages. La future législation européenne pourrait donc ouvrir la voie à d'autres compromis, notamment sur les coûteuses homologations de sécurité.
Une lueur d'espoir attendue pour le 10 décembre
Il faudra bien entendu attendre le 10 décembre prochain pour connaître en détail les propositions que la Commission européenne mettra sur la table. Mais les propos tenus par Stéphane Séjourné, dont le titre de Vice-président exécutif à la Prospérité et la Stratégie Industrielle donne un poids considérable à ses déclarations, sont porteurs d'espoir. L'intention affichée est claire : redonner de la compétitivité aux constructeurs européens face à une concurrence mondiale féroce, tout en permettant enfin aux consommateurs de disposer d'un choix de voitures électrifiées accessibles. Pour des marques comme Citroën, dont l'ADN a toujours été de démocratiser la mobilité, ce potentiel assouplissement des règles pourrait être une formidable opportunité de réaffirmer sa mission.


