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[Anniversaire] Citroën Belphégor : Le camion avant-gardiste fête ses 60 ans d'audace


Le Citroën Belphégor

Avec plus d'un siècle d'existence, Citroën a gravé dans le marbre une histoire jalonnée de modèles mythiques qui ont profondément marqué les esprits et révolutionné leur époque Mais l'audace de la marque aux chevrons ne s'est pas cantonnée à l'automobile car Citroën a su explorer des territoires inattendus, comme en témoigne l'étonnant hélicoptère RE-2 découvert hier. Dans cette même veine d'innovation hors des sentiers battus, le constructeur s'est également illustré sur le marché des véhicules utilitaires et des poids lourds. Parmi eux, une figure se détache par son design unique et son approche novatrice : le Citroën Belphégor. Lancé en 1965, ce camion singulier, officiellement désigné Séries N et P, célèbre ses 60 ans en 2025, une occasion parfaite pour redécouvrir ce témoignage roulant de la créativité Citroën.



La genèse d'un colosse : du besoin de modernisation à une icône du design

Au début des années 1960, Citroën, fort du succès de ses utilitaires légers comme le Type H et désireux de pérenniser sa présence sur le segment plus lourd, ressentait le besoin impérieux de moderniser sa gamme de camions. Ses modèles existants, tels que le vénérable U23, dont les origines remontaient à 1935, et le Type 55, bien que robustes et appréciés, commençaient à accuser le poids des années face à une concurrence de plus en plus affûtée. L'objectif était clair : proposer une nouvelle génération de camions capables de répondre aux exigences croissantes des professionnels en termes de charge utile, de confort, de sécurité et, bien sûr, d'efficacité.

C'est dans ce contexte qu'est né le projet qui allait aboutir à la commercialisation des Citroën Type 350 à 850, présentés pour la première fois au public en octobre 1965, lors du Salon de Paris aux jardins du Trocadéro, suscitant l'étonnement. Le design, élément différenciant majeur, fut confié au génial Flaminio Bertoni, père des Traction Avant, 2CV et DS, qui signa ici sa dernière œuvre avant sa disparition en février 1964. Robert Opron, un autre grand nom du style Citroën, contribua également à finaliser ce projet audacieux. La cabine avancée, avec son esthétique futuriste et ses décrochements caractéristiques au niveau des phares et des vitres inférieures, frappa immédiatement les esprits. Si bien que le public et les professionnels lui attribuèrent rapidement le surnom de "Belphégor", en référence au personnage masqué et mystérieux d'une série télévisée française éponyme, "Belphégor ou le Fantôme du Louvre", extrêmement populaire à l'époque. Ce sobriquet, jamais officiel, colla pourtant à la peau de ces camions, soulignant leur allure presque fantomatique et résolument non conventionnelle pour l'époque. La production démarra à Aubervilliers, avant d'être en partie transférée à Vénissieux près de Lyon, suite au rachat de Berliet par Citroën en 1967, marquant une nouvelle étape dans la stratégie poids lourds de la marque.



Un concentré d'innovations : style unique et caractéristiques techniques d'avant-garde

Le Citroën Belphégor ne se distinguait pas uniquement par son nom d'emprunt ou son allure. Son design extérieur était une véritable rupture. La cabine semi-avancée, aux formes arrondies et au pare-brise large et plongeant, offrait une visibilité panoramique exceptionnelle pour le conducteur. Mais la véritable signature stylistique de Bertoni résidait dans les fameuses "visières" ou décrochements situés sous le pare-brise, intégrant les optiques, et surtout dans les vitres additionnelles placées en position basse, au niveau des pieds du conducteur et du passager. Ces "regards" vers le sol permettaient d'apprécier avec une précision inégalée le gabarit du camion lors des manœuvres délicates en milieu urbain ou sur les chantiers, une innovation majeure en termes de sécurité et de confort de conduite. L'intérieur, bien que fonctionnel, n'était pas en reste avec des sièges réglables, un système de chauffage performant et jusqu'à trois pare-soleil. Sur le plan technique, le Belphégor héritait de solutions éprouvées et novatrices pour l'époque. La plus notable était sans conteste l'adoption du système de freinage hydraulique haute pression, directement dérivé de celui de la révolutionnaire DS, garantissant une puissance et une endurance remarquables, et couplé à un répartiteur de freinage asservi à la charge. La direction assistée était également proposée, facilitant grandement la conduite de ces véhicules aux gabarits respectables. La gamme Belphégor se déclinait en de nombreuses versions pour couvrir un large spectre de besoins professionnels, avec des Poids Total Autorisé en Charge (PTAC) allant de 3,5 tonnes à près de 12,4 tonnes pour les versions spécialisées. Les dénominations (350, 450, 600, 700, 850, etc.) indiquaient approximativement la charge utile ou le PTAC. On trouvait ainsi des châssis-cabines nus prêts à être carrossés en plateaux, fourgons, bennes, bétaillères, ou encore des versions plus spécifiques comme des camions-citernes ou des véhicules de lutte contre l'incendie. Sous le capot, Citroën proposait un éventail de motorisations essence et diesel, à quatre ou six cylindres. Par exemple, le Type 350 pouvait être équipé d'un moteur essence quatre cylindres de 2176 cm³ développant 82 chevaux DIN, ou de moteurs diesel Perkins. Les versions plus lourdes, comme le Type 600, recevaient des six cylindres essence de 5183 cm³ (118 à 134 ch) ou diesel de 5607 cm³ (103 à 108 ch). Des boîtes de vitesses manuelles à 4 ou 5 rapports, avec pour certaines une option "chantier" à démultiplication courte, et des prises de force étaient disponibles, renforçant la polyvalence du Belphégor. Produit jusqu'en 1972, avec environ 11 000 exemplaires commercialisés, le Belphégor a marqué son temps par son audace stylistique et ses innovations techniques, même si sa carrière fut relativement courte.



En conclusion, l'héritage de Citroën est si vaste et si riche en innovations que chaque année apporte son lot de commémorations et de redécouvertes de pépites parfois oubliées du grand public. L'année 2025 s'annonce cependant particulièrement spéciale puisque, après avoir évoqué l'audace du projet d'hélicoptère RE-2, voilà que le camion Belphégor fête à son tour un anniversaire marquant, ses 60 ans. Ces deux exemples, si différents soient-ils, illustrent parfaitement la capacité de Citroën à sortir de sa zone de confort automobile pour se confronter à d'autres segments, en y apportant toujours cette touche unique d'ingéniosité, d'avant-gardisme et un design qui ne laisse jamais indifférent. Le Belphégor, avec sa "gueule" inimitable et ses solutions techniques intelligentes, reste un témoignage vibrant de cette philosophie.

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François Sardou
François Sardou
il y a 5 jours

Merci Jérémy pour ce rappel historique détaillé.


Je ne pensais pas que le Belphégor n'avait été produit qu'à si peu d'exemplaires durant seulement sept ans étant donné comme il a durablement marqué l'esprit de ceux qui l'on connu. D'un autre côté, je n'ai pas de souvenirs d'en avoir vu un seul carrossé autrement qu'en fourgon-tonne-pompe pour différents services de sapeurs-pompiers (ou le bataillon des marins-pompiers de Marseille), impression, peut-être trompeuse, que les quelques photographies illustrant l'article tendent à renforcer.

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