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Les actualités Citroën 

Interview de Jean Pierre Ploué, Directeur design PSA



La voiture autonome, un changement radical ? “Pas tant que ça…” Le design DS un poil chargé ? “Je ne peux pas vous laisser dire ça…” Le design intérieur mis en avant désormais ? “Nous avons créé un nouveau département UXCT : User Expérience Cockpit Teams… Les deux concept-cars Citroën de 2019 ? “Citroën était capable de traiter la voiture High Tech et la populaire ! En 2019, nous aurons les deux en concept-cars !”

Voici bientôt vingt ans, Jean-Pierre Ploué a été débauché de chez Ford à la toute fin de l’année 1999 pour redonner, avec son compère Vincent Besson, un nouveau souffle à la marque Citroën. Voici un petit tour de l’actualité design avec ce personnage qui a depuis gravi toutes les marches vers le poste suprême de directeur du design du Groupe PSA.

Le grand public vous connaît comme le patron du design groupe PSA mais, outre ce groupe et Renault, vous avez effectué une carrière à l’international. C’est un passage obligé ? À l’époque, le design français était assez fermé, il était difficile de passer d’un constructeur français à un autre. Et surtout , j’avais très envie de découvrir les autres univers du design automobile dans le monde.

Que vous a apporté cette expérience internationale ? J’ai découvert qu’il existait des cultures d’entreprises et de design très différentes d’un constructeur à l’autre.  Je suis tout d’abord resté trois ans et demi chez Volkswagen à Sitges en Espagne. Là-bas, j’ai découvert un design plutôt orienté « qualité » et chez Ford – que j’ai rejoint ensuite – j’ai connu un design orienté « client ». Chez Renault d’où je venais, le design était surtout dirigé vers la « créativité » !

Renault reste l’endroit où vous avez grandi dans cet univers de la créativité ! Chez Renault, tout le département design était orienté vers une approche de créativité très forte portée par Patrick Le Quément. Chez VW, cette dimension « création » n’était pas perçue de la même façon. Le designer ne créait pas dans le seul but de créer, mais avec comme ambition de nourrir l’ADN de la marque.


Ça ne fonctionnait pas comme ça chez PSA au début des années 2000 ? Dès mon arrivée chez PSA, je me suis attaché à bien nourrir notre design avec ces trois dimensions pour servir l’entreprise au mieux et apporter de la valeur au Groupe. Sans prétention, j’ai été le 1e dans l’entreprise à ré-intégrer la notion de « qualité perçue » qui est acquise dans le groupe aujourd’hui.

Le retour en France, de Ford à Citroën à la toute fin 1999, était dû au mal du pays ? Pas du tout, j’étais heureux chez Ford ! J’aurais pu continuer sans problème mais il se trouve que Claude Satinet (alors patron de la marque Citroën) et Robert Peugeot m’ont appelé. Quelque part, c’était même frustrant de quitter Ford !

Pourtant, vous avez tracé votre chemin et votre beau parcours en France, sans retourner à l’international… Il y a eu une période où, si l’occasion s’était présentée, je l’aurais sans doute fait. Aujourd’hui, PSA est un groupe efficace, avec une dimension internationale indiscutable en terme de Design avec notamment notre studio en Chine. Nous avons même une petite cellule en Californie de « prospective » qui nous aide à construire les dossiers et met en place des relations avec des ‘start-up’ aux USA.

Qu’est-ce qui a le plus évolué depuis vos débuts dans votre métier de designers ? Les outils ? Il y a deux notions importantes qui conditionnent davantage notre métier, ce sont les perspectives « économiques » et « temporelles ». Le monde va très vite, tout s’accélère, nous sommes au cœur d’une vraie rupture dans d’innombrables domaines, amenée entre autres, par l’intelligence artificielle et le digital. Et puis, il y a l’aspect socio-politique qui nous contraint à prendre des orientations technologiques et sur le plan international. Nous vivons dans un monde chaotique et nous devons parfois gérer l’ingérable.


Vous voulez dire que la récente signature le 3 octobre dernier de la Commission Européenne qui porte à moins 40% de seuil d’émission de CO2/km en 2030 va nuire au design ? Non, bien au contraire ! Plus les contraintes seront fortes, plus il faudra renforcer la dimensions design. Dans les enquêtes menées partout sur la planète, la dimension design tient une place importante dans le choix final du client. L’aspect économique compte bien évidemment, mais dans beaucoup de zones du monde, l’élément déclencheur reste le design.

Revenons sur la grande surprise du Mondial : le concept-car e-LEGEND de Peugeot. Vous avez également été médusé par son succès ? Il ne s’agissait pas seulement de réaliser un objet « vintage » mais de ré-incarner avec puissance l’ADN de la Marque en relation avec les produits forts que nous commercialisons et commercialiserons, c’est fondamental pour l’avenir de la Marque. L’anniversaire de la 504 n’était finalement qu’un prétexte.

Il y a déjà 4 ans, j’ai demandé à Gilles Vidal (Directeur du Style Peugeot) de casser le moule, les ratios, les proportions, d’être en rupture avec les codes du « style mondial » actuel et de déclencher des axes de travail différents. On a cherché à ramener des valeurs historiques de la marque dans le design moderne. Les équipes du design l’ont parfaitement exécuté et on verra quelques-uns des thèmes de e-LEGEND dans les productions futures…

Si Peugeot a marqué le Mondial avec e-LEGEND, Opel l’a marqué par son absence. Pouvez-vous nous éclaircir sur l’organisation du design Opel au sein du groupe PSA. Vous êtes le patron du style Opel ?  

Le Directeur du Style Opel est Mark Adams.  Mon rôle en tant que Directeur du Design, est de garantir la diversité des styles de nos marques entre elles et vis à vis de la concurrence. Si un produit, quel qu’il soit, n’est pas calé avec l’ADN de la marque, s’il dérive ou s’il existe des recouvrements avec un concurrent au sein du groupe, c’est mon rôle d’arbitrer. J’assure donc la différenciation des styles et je garantis aussi que chaque marque ait les meilleurs outils pour monter en puissance.  Opel doit progresser sur ce thème.

Le design Opel va rejoindre l’ADN ici à Vélizy ? Le design Opel reste et restera en Allemagne. Je me rends régulièrement chez Opel et nous avons des séances de travail Style avec Mark à Rüsselsheim.

Comment ont réagi les équipes d’Opel en découvrant votre mode de fonctionnement ? Elles ont été scotchées, notamment par notre outil qui nous aide à avoir la vision du futur du design de chacune de nos marques.  C’est le manifeste de l’ADN de chaque marque qui aborde tous les domaines du design…

Comment se présente cet outil ? Ce sont des mots clés ? C’est en partie une recherche de mots clés qui définissent tout le design de la marque (matières et couleurs, style, langage graphique, etc.) Le langage formel est associé aux valeurs de la marque, à ces fameux morts clés. À partir du moment où vous définissez ce langage à partir de l’histoire de la marque et de ses valeurs, vous ne pouvez pas faire un style Citroën, Peugeot ou DS différents de ce qu’ils sont.

Mais vos marques sont presque toutes dans le même univers de gamme, ça complique le travail, non ? Non, le monde est tellement multiple, tellement varié et diversifié qu’il serait bien incroyable qu’il n’existe qu’un seul standard !  Il n’y a pas de recouvrement.  Au contraire, avec nos « mapping » très clairs sur chaque identité de marque, nous luttons même contre le langage d’un design mondial.  PSA est un acteur reconnu dans le monde en termes de design… C’est peut-être ce qui explique aussi qu’on vienne nous copier !

Le départ d’Alexandre Malval de la tête du design Citroën a-t-il été une déchirure pour vous ? C’est la vie. C’est autant une nouvelle opportunité pour lui que pour nous.  Nous sommes ravis d’accueillir Pierre Leclercq qui a une expérience internationale.  C’est en plus un francophone, c’est pratique pour nous.  Même si nous parlons de mondialisation, le responsable du design Citroën doit parler français et connaître la culture française !

Après le recrutement de Thierry Métroz à l’extérieur (Renault), c’est encore un designer extérieur au groupe qui prend la responsabilité du style d’une marque. Pourquoi ne pas choisir en interne ? Ah non ! Je ne peux pas être d’accord avec vous : Alexandre Malval était une recrue de l’interne et Gilles Vidal aussi !  Deux recrutements internes pour trois marques (à l’époque), je pense que ce n’est plutôt pas mal !  Mais pour ce type de recrutement, il n’y a pas de règle absolue. Pour Citroën, c’est une bonne chose d’avoir recruté Pierre. Cela nous permettra de nous renouveler.

Continuons avec Citroën. Linda Jackson, la patronne de la marque, a révélé que deux concept-cars seraient présentés respectivement en mars et avril 2019 pour le centenaire. Le choix des thèmes de style a-t-il été délicat ? Le débat n’a pas été très long. C’était un choix assez naturel.  Les deux concept-cars existent et vous verrez qu’ils reflètent parfaitement le Citroën historique de la période de la 2CV et de la DS…

Une époque où il n’y avait pas de gamme chez Citroën, juste deux extrêmes ! Mais justement, Citroën est l’une des rares marques à avoir été capable de traiter ces deux extrêmes : une voiture économique d’un côté, une voiture révolutionnaire de l’autre. À l’époque vous aviez des marques qui traitaient le populaire et d’autres, le premium. Citroën était capable de traiter la voiture High Tech et la populaire ! En 2019, nous aurons les deux en concept-cars !  Et puis, à propos de gamme, je pense que c’est l’Ami6 de 1961 qui a inventé le segment du milieu de gamme !

Mais Citroën n’a plus de droit de faire référence à la DS… Je n’ai pas dit que Citroën allait refaire une DS, mais une voiture haut de gamme. N’oubliez pas le concept-car CXPérience…

Vous ne pensez-pas que l’amateur en a un peu marre des SUV à tous les étages ? La berline est-elle définitivement morte ? Mais vous avez la Peugeot 508 ! Elle est là, elle est magnifique et magique à conduire… Alors non : je ne pense pas que la berline soit morte. Pas du tout. Compte tenu du contexte politique et écologique, elle a même une très longue carrière devant elle ! 

Donc les SUV sont condamnés par les futures réglementations écologiques ? Non, mais ça nous pousse à faire de l’électrique ou de l’hybride.

Les voitures électriques que l’on voit justement apparaître semblent avoir été étudiées dans l’urgence. Elles semblent être des brouillons… Vous oubliez la dimension économique. Nous ne sommes pas là pour faire de beaux objets, nous sommes là pour répondre aux demandes des marchés en tenant compte des réglementations gouvernementales.  Partir de zéro pour concevoir ces nouvelles voitures impliquerait des investissements colossaux.  Ces voitures ne sont pas des brouillons. Les constructeurs font avec des moyens qui leur permettent de préserver la rentabilité de l’entreprise.  On ne vit pas dans le monde des Bisounours !

C’est quand même navrant de voir des nouveautés 100% électriques munies de calandre, parfois gigantesque, alors qu’il n’y a plus de moteur thermique à refroidir ! Peut-être que certains constructeurs n’ont pas trouvé les codes pour conserver leur identité sans calandre.  Nous n’avons pas ce problème et nous l’avons montré avec notre concept-car Instinct 100% électrique

À propos de voiture électrique ou hybride, Jean-Philippe Imparato patron de la marque Peugeot, a expliqué dans les colonnes de notre confrère AUTOhebdo penser à une gamme de véhicules propres et performants pour donner suite à la saga des GTI… C’est l’évolution logique de la ligne sportive chez Peugeot.   Cette dimension sportive est importante, elle a nourri l’ADN de la marque.  Nous allons juste l’adapter à son époque.

Restons dans le futur proche. Le développement de la voiture autonome et de ses habitacles où l’on va vivre différemment change-t-il votre méthode de recrutement vers plus de designers intérieurs ? Non, car nous disposons déjà de la compétence.  Il est vrai que de nouveaux métiers apparaissent.  On a par exemple créé un nouveau département UXCT (User Expérience Cockpit Teams) avec 200 personnes, qui traite entre autres toutes les IHM et l’ergonomie des cockpits du futur. C’est une entité transversale dans le groupe.

La voiture autonome, c’est quand même un changement radical ? Pas tant que ça ! Les évolutions vont suivre celles des stades d’autonomie. Ce n’est pas violent et il va bien falloir aussi que les clients puissent acheter ces technologies là !

Nous avons parlé de Citroën, Peugeot et d’Opel. Reste DS. La DS3 Crossback semble avoir abandonné toute surcharge jusqu’alors assumée… Surcharge ? De quoi : de chrome, de style ?

Les deux… Non, je ne peux pas vous laisser dire ça…Je ne vois dans les DS qu’on a faites la surabondance de chrome que vous évoquez. Ce n’est pas vrai.  Observez bien une DS7 et vous verrez qu’il n’y a pas plus de chrome que sur une Audi.  Quant au style, il est adapté au segment.  Nous avons par exemple fait le choix sur la DS 3 CROSSBACK de lécheurs de vitres intégrés et cachés.  Nous avons pu dégager la ceinture de caisse et aller dans le sens d’une plus grande pureté et simplicité.  Dire que le style DS est baroque, c’est faux. Il y a un travail sophistiqué au contraire sur les feux et les phares, le flanc est naturel et pur comparé à une Toyota C-HR !

Oublions le chrome, le baroque et finissons avec une question personnelle. Si vous deviez coucher sur une lettre à vos enfants les trois meilleurs moments professionnels de votre carrière, ce serait lesquels ? Ce qui compte pour moi, c’est qu’il faut que je m’amuse au quotidien, que j’ai de la joie et du plaisir.  Alors, sincèrement, s’il n’y en avait eu que trois, ma vie serait triste ! Je leur dirais surtout : « trouvez un métier dans lequel vous avez de la passion et de l’amour. Sinon vous ne serez jamais performants, vous serez des machines, des outils. Vous ne serez jamais vous-même si vous n’exercez pas le métier qui vous plait… »

Je pensais surtout aux rencontres fortes ! Les rencontres, elles ont évidemment compté pour moi. Je pense d’abord à Doudou (Jean-François Venet) qui a été mon premier chef. Je l’admirais. Je citerais aussi Claude Satinet qui m’a impressionné en tant que patron de marque. Il y a eu bien sûr Vincent Besson avec qui nous avons rebâti le design Citroën à mon arrivée. Ce sont des personnes qui comptent et qui vous amènent à vous remettre en question, à progresser et c’est magique. Et puis évidemment, Carlos Tavares, impressionnant aussi…

Source :http://lignesauto.fr/?p=5549

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