Hybrides rechargeables : Comment les nouvelles normes européennes vont rebattre les cartes pour Citroën
- Jérémy
- il y a 6 heures
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Il est devenu une évidence de constater que l'Europe, par ses décisions, peut parfois sembler être un frein pour l'industrie automobile. Entre des normes toujours plus drastiques, dont l'utilité est parfois débattue, et l'échéance de 2035 marquant la fin programmée des moteurs thermiques neufs, voilà qu'une nouvelle réglementation vient s'ajouter à l'édifice. La Commission Européenne a en effet annoncé un recalcul des émissions de CO2 pour les voitures hybrides rechargeables, une décision qui, si elle semble logique sur le fond, va profondément modifier la stratégie de nombreux constructeurs.
Hybrides rechargeables : la fin d'un calcul d'émissions trop favorable ?
Depuis leur popularisation, les véhicules hybrides rechargeables (PHEV) font l'objet de critiques récurrentes concernant le décalage entre leurs émissions de CO2 homologuées et la réalité de leur usage. Le cycle WLTP, pourtant plus sévère que l'ancien NEDC, leur accordait jusqu'à présent un avantage considérable, reposant sur une hypothèse d'utilisation très optimiste. Le principe d'une motorisation hybride rechargeable est pourtant simple et pertinent : associer un moteur thermique à un moteur électrique et une batterie de capacité suffisante pour parcourir plusieurs dizaines de kilomètres en mode 100% électrique. Pour que ce duo fonctionne de manière optimale, une contrainte majeure s'impose : une recharge quasi quotidienne. C'est dans cette configuration que le PHEV révèle tout son potentiel, permettant d'effectuer la majorité des trajets domicile-travail en électrique, tout en conservant la polyvalence du moteur essence pour les longs trajets. C'est une solution idéale pour les automobilistes qui circulent fréquemment en milieu urbain ou péri-urbain mais qui ont besoin, régulièrement, de parcourir de longues distances sans contrainte d'autonomie. Malheureusement, la réalité des usages est souvent bien différente.
Un changement de calcul basé sur les données réelles
Après une période de flottement, le marché des véhicules hybrides rechargeables a récemment retrouvé des couleurs, atteignant près de 9% des ventes en Europe. Cet engouement est notamment porté par les flottes d'entreprises, soumises à des obligations de verdissement et séduites par les avantages fiscaux liés aux faibles émissions de CO2 affichées par ces modèles. Cependant, ce succès pourrait être de courte durée. Grâce aux données collectées par les "On Board Fuel Consumption Monitoring", des boîtiers embarqués qui surveillent la consommation et l'usage de la recharge, la Commission Européenne a pu dresser un constat sans appel : l'hypothèse selon laquelle un PHEV parcourt 80% de ses trajets en mode électrique est erronée. Les utilisateurs ne rechargent pas aussi systématiquement que le voudrait la théorie. En conséquence, le facteur d'utilité, qui pondère le calcul des émissions, va être drastiquement revu à la baisse. Dès 2025, il passera à 54%, avant de chuter à 34% d'ici 2028 au plus tard. L'impact sera direct et significatif : les valeurs d'émissions et de consommation vont mécaniquement augmenter, rendant ces véhicules beaucoup moins attractifs, notamment pour les entreprises.
Un impact limité pour Citroën, une opportunité à saisir ?
Face à ce durcissement réglementaire, comment Citroën se positionne-t-il ? Je pense que la marque aux chevrons pourrait bien, paradoxalement, tirer son épingle du jeu. L'impact de cette mesure sera relativement limité pour notre marque. En effet, la principale offre hybride rechargeable de Citroën concerne aujourd'hui le C5 Aircross. Or, ce dernier dispose d'un atout majeur dans sa gamme : une version 100% électrique, le ë-C5 Aircross. Cette proposition purement électrique offre une alternative solide et pérenne aux entreprises cherchant à respecter leurs contraintes de réduction d'émissions, indépendamment des fluctuations réglementaires sur les hybrides, sans contrainte sur l'autonomie avec jusqu'à 680 km. La situation est bien différente pour certains de nos concurrents français. Je pense notamment à Renault, dont la stratégie récente sur le segment supérieur repose massivement sur l'hybride rechargeable avec les Austral, Rafale et Espace, qui ne disposent pas d'alternatives 100% électriques. Ce changement de calcul pourrait donc fragiliser leur positionnement, notamment sur le marché des flottes, et potentiellement permettre à Citroën de capter une partie de cette clientèle professionnelle en quête de solutions fiscalement et écologiquement stables.
Pour la première fois, l'Europe semble fonder sa décision non pas sur la technologie intrinsèque d'un véhicule, mais sur les données réelles de son utilisation par les conducteurs. En somme, ce ne sont pas les constructeurs qui sont directement sanctionnés pour les limites d'une technologie, mais plutôt les conséquences d'un usage inadapté de celle-ci. On pourrait arguer, et à juste titre, que les marques ont aussi une responsabilité dans l'éducation de leurs clients à la bonne utilisation de ces motorisations. Cependant, ce changement de paradigme est notable. À court terme, Citroën semble bien armé pour traverser cette période de transition. La stratégie d'électrification, qui intègre des alternatives "zéro émission" sur ses modèles phares, s'avère être une protection efficace. À long terme, cette nouvelle règle du jeu, qui entrera pleinement en vigueur en 2028, va obliger tous les constructeurs à repenser leur mix énergétique, mais elle pourrait, dans l'intervalle, offrir à Citroën de belles opportunités commerciales.