Monte Carlo 1966 : une victoire bien éclairée
Créé en 1911, douze ans avant les 24 heures du Mans, le rallye Monte-Carlo est la plus ancienne compétition automobile ayant survécu jusqu'à aujourd'hui.
Avant d'être le magnifique terrain de bataille des WRC et auparavant des mythiques groupe B (celles et ceux qui ont connu les années 80 se souviennent), le Monte-Carlo était le terrain de jeu des voitures de tourisme à peine modifiés, aux mains de gentleman drivers plus ou moins supportés par les constructeurs, y voyant là une opportunité de démontrer la supériorité de leur modèle.
Amilcar, Hotchkiss, Delahaye furent ainsi les premières marques françaises à briller en principauté (même si l'intégralité du rallye de déroule entre l'Ardèche, les Hautes Alpes et les Alpes-Maritimes).
André Citroën, homme de défi, a préféré engager sa marque dans les grandes expéditions pour lesquelles la presse de l'époque s'enflammait.
Puis à la reprise par Michelin en 1934, la nouvelle équipe dirigeante avait plus le souci d'assainir les finances que de se lancer dans des opérations ''hasardeuses''.
Pour autant, un certain Paul Calteloni, jeune entrepreneur passionné de compétition automobile, engage une Traction à son initiative, sans arriver à contrer l'hégémonie des Hotchkiss.
Vint la guerre et le black out total. Puis le temps de la reconstruction.
Dans l'ordre, Citroën sortit le résultat de la fameuse ''TPV'', la 2 CV, pour motoriser la France meurtrie puis de l'autre côté du marché, l'iconique et révolutionnaire DS. Présentée en 1955 au salon de Paris, elle fut commercialisée un an plus tard.
L'année suivante, Citroën lance une version simplifiée plus accessible, c'est l'ID 19.
Dès la fin du salon de Paris, Calteloni convainc la direction de Citroën de lui fournir une DS (la 42ème de la série) qu'il fait équiper de feux longue portée.
Sans succès néanmoins. Il retente sa chance en 1958, la victoire lui échappant à nouveau.
En 1959, il choisit l'ID19, certes moins puissante mais plus légère, ce qui est un avantage sur les routes verglacés et enneigées de montagne. Et le pari s'avère gagnant. C'est la première victoire Citroën dans une grande épreuve internationale. La première d'une longue série.
Pour la petite histoire, cette année-là, c'est un triomphe pour les voitures françaises puisque derrière l'ID de Calteloni, on retrouve une Simca Aronde, une DB Panhard puis de nouveau une ID.
Dés lors, DS et ID seront très prisées les années suivantes, leur suspension hydropneumatique et leurs pneus étroits faisant merveille dans les conditions hivernales du Monte-Carlo.
Toutefois, elles trouvent des rivales tantôt bien plus puissantes tel la Mercedes 220 SE, encore mieux adaptées aux conditions hivernales tel la Saab 96 ou bien plus légères et agiles tel la BMC Cooper S (la Mini).
Cette dernière domine outrageusement les éditions 64 et 65, si bien que tout le monde parie sur leur nouveau triomphe en 1966. C'est la voiture à battre.
De fait, chacun fourbit ses armes. On assiste d'un côté à une course à la puissance avec l'engagement d'une Porsche 911 et ses160 chevaux, d'une Ford Mustang et ses 285 chevaux et même d'une Ferrari 275 GTB (une première) et ses 320 chevaux contre 90 chevaux pour les Mini, et de l'autre à une professionnalisation avec l'engagement d'équipe d'assistance chez Ford pour la Cortina et chez Citroën pour la DS21 équipée d'un moteur plus puissant.
Malgré tout, rien n'arrête les petites anglaises .
Rien sauf le règlement qui interdit l'utilisation de phares à iodes dont sont équipées les Mini. Tout comme la Cortina suivante. En fait, les voitures venaient toutes quatre d'Angleterre où les phares à iodes étaient autorisés. Argument avancé par les intéressés, en vain.
Résultat, Pauli Tovoinen* au volant d'une DS21, revenu de la dixième à la cinquième place, fut déclaré vainqueur sur tapis vert.
Toutefois, personne n'était dupe. En effet pourquoi n'avoir pas signifié la non-conformité lors des contrôles d'avant départ et avoir laissé courir les Mini et Cortina en sachant qu'elles allaient être déclassées ? Nul doute que le sachant, BMC et Ford se seraient remises en conformité avant de prendre le départ.
Citroën a d'ailleurs admis publiquement que les Mini méritaient de gagner. Il n'empêche que dans les statistiques, c'est bien Citroën qui trône en haut du classement.
Ceci dit, les Mini eurent leur revanche en gagnant l'année suivante devant une Lancia et une Porsche.
Il fallut attendre ensuite 37 ans avant de revoir gagner une Citroën au Monte-Carlo, en l'occurrence une Xsara WRC avec un certain Sébastien Loeb. Ce fut d'ailleurs un triplé, avec Colin Mac Rae et Carlos Sainz (eh oui, cela peut paraître étonnant mais ces trois pilotes de classe mondiale étaient tous au volant d'une Xsara cette année-là).
*Pauli Tovoinen était le père d'Henri, très talentueux rallyman pendant la période du groupe B. Son copilote Sergio Cresto et lui trouvèrent la mort suite à une violente sortie de route de leur Delta S4 lors du Tour de Corse 1986. Ce alors qu'un an plus tôt, toujours au Tour de Corse, Attilio Bettega perdit le contrôle sa Rally 037 en percutant une pierre et périt dans l'accident qui s'ensuivit.