Portrait de Jean Pierre Ploué, Directeur du design PSA
- Jérémy
- 9 oct. 2018
- 4 min de lecture

Gamin, Jean-Pierre Ploué partait toujours de chez lui des petites voitures dans les poches. Adolescent, il se prenait de passion pour l’ébénisterie et la déco. Aujourd’hui, il rejoint Vélizy-Villacoublay (Yvelines) en 508, en DS 7, mais parfois aussi en 2 CV de 1957. Il y pilote les 330 designers du groupe PSA. Ceux-ci planchent sur 26 modèles pour les trois marques (Peugeot, Citroën et DS Automobiles). Naviguant entre ses équipes, ce collectionneur de voitures anciennes et de chaussures en cuir, qui écoute du jazz et du disco des années 70, les pousse à apporter une attention extrême au moindre détail. Quitte à mettre la main à la pâte et à se montrer parfois dur.
Au Mondial de l’auto, qui se tient jusqu’à dimanche, ce fils d’un représentant de commerce et d’une directrice d’école devenu père de famille nombreuse (quatre enfants) a plaisir à faire découvrir le nouveau-né du groupe, un concept-car Peugeot baptisé «e-Legend». Extérieurement, il fait penser à un coupé 504 du futur. A son bord, on se retrouve installé dans une soucoupe volante confortable, dotée d’un étonnant volant de Formule 1, offrant une carte de navigation panoramique incrustée sur tout l’avant et se déployant jusqu’au plancher…
«On croyait que cela arriverait plus vite», énonce ce manager exigeant et volubile à propos de ces habitacles incroyables dont vont être dotés tous les «nouveaux objets de mobilité». Jean-Pierre Ploué a un gros défaut qu’il a transformé en atout maître : il est im-pa-tient. Tout doit aller vite. Le numérique et bientôt l’intelligence artificielle arrivent à point nommé pour accélérer encore le temps de conception (trois à quatre ans) des modèles. Ça tombe bien, car celui qui a passé sa vie à brûler les étapes n’a pas une minute à perdre à l’heure où l’automobile se met aux véhicules autonomes.
Quand Jean-Pierre Ploué démarre ses études à l’Ecole nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art (Ensaama) de Paris, il n’y a pas de section dédiée à l’auto. Qu’à cela ne tienne, «avec un petit groupe d’étudiants, on a poussé les murs», glisse celui qui apprécie Philippe Starck mais ne se considère ni comme un artiste ni comme un intello. De fait, sa camarade de l’époque Anne Asensio, à présent vice-présidente Design Experience chez Dassault Systems, se souvient qu’ils ont dessiné, dans leur salle de cours, la voiture de leurs rêves à l’échelle réelle, à l’aide de marqueurs et d’aérographes, au grand dam des enseignants, qui sont venus ensuite la recouvrir d’une couche de peinture. A la sortie, ces «mécanos du design» partent à l’assaut des grands constructeurs : Renault, Peugeot et Citroën. Embauché par la Régie, Ploué donne rapidement sa mesure, signant la Twingo. A 30 ans, il obtient le Design Award de la meilleure voiture de série. Aujourd’hui, il préfère revendiquer ses concept-cars Argos et Laguna, qui ont influencé Audi entre autres constructeurs. Fort de cette notoriété naissante, Ploué est débauché, en 1995, par Volkswagen. Il prend la direction du bureau de style situé près de Barcelone, où il apprend à se focaliser sur le modelé d’une aile ou la qualité d’un «accostage». Puis Ford lui fait les yeux doux.
A 37 ans, Citroën s’offre à lui. La marque aux trois chevrons se trouve au fond du trou. Son design est aux mains des Anglais. «J’ai eu la trouille quand j’ai accepté, car le vernis n’était plus très beau», confie Ploué, qui apprendra plus tard que PSA a essuyé pas mal de refus pour le job. Mais son grand-père, l’industriel Emile-Edmond Grulet, fabriquait déjà des moulins à café pour Peugeot et roulait en DS. Dès l’âge de 20 ans, sa mère en conduisait une elle aussi. Ses parents avaient eu ensuite des Citroën Ami 6 et 8. L’atavisme joue à plein, d’autant qu’il s’agit d’aller puiser dans l’héritage génétique de Citroën de quoi assurer sa renaissance. Roland Peugeot lui donne carte blanche. Sa mission : «Redorer l’image de Citroën, la belle endormie», résume Thierry Métroz, vieux copain de Jean-Pierre Ploué, aujourd’hui directeur du design des DS. Ils se sont connus à 14 ans, en section architecture intérieure, du lycée Jules-Haag de Besançon. «En deux ou trois ans, Jean-Pierre a dépoussiéré la marque en sortant des voitures attractives, sexy», ajoute-t-il. Cela se voit dans les chiffres, comme le fait observer le responsable du design extérieur de Citroën, Frédéric Duvernier. «Quand Jean-Pierre Ploué est arrivé, Citroën n’était pas très en forme, ne vendant plus que 750 000 voitures. Dix ans après, les ventes avaient presque doublé, à 1,4 million. Il a su rendre Citroën à nouveau désirable.»
En 2008, le Journal de l’automobile nomme Ploué «homme de l’année». C’est la première fois que cette récompense va à un designer. Son secret ? L’utilisation d’outils numériques découverts chez Ford, dont une «machine de fraisage rapide», raconte avec gourmandise ce bon vivant. Ils permettent d’accélérer la confection de «maquettes en mousse de polystyrène qu’on fait rouler dans le centre d’essai». Le temps de conception est raccourci. Les maquettes en 3D reviennent moins cher.En 2008, le groupe lui confie la direction des styles de PSA. Il s’agit de chapeauter le design de Citroën mais aussi celui de Peugeot et de DS, promue marque haut de gamme. Autrement dit, s’attacher à rendre distinctes des voitures comportant les mêmes modules, les mêmes composants, voire les mêmes plateformes. Cette politique de «différenciation», de «spécification» relève du casse-tête. Dix ans plus tard, contrat rempli pour celui qui refuse de donner le montant de sa «confortable rémunération» mais confesse ne pas avoir à se plaindre, même s’il se dit moins payé qu’un patron du même style chez les rivaux étrangers, «car on est en France».
«C’est un animal très particulier, souligne son amie Anne Asensio. Il a le génie pour sélectionner les projets les plus forts et la bonne démarche pour faire passer ses idées et encourager ses équipes.» «Ce qui le caractérise, c’est l’instinct», confirme son ex-collaboratrice Karine Buisson-Caillard. Jean-Pierre Ploué l’avait chargée, chez Peugeot puis chez Citroën, de construire une identité de marque allant au-delà du style du véhicule lui-même. «Ce précurseur sait déceler les talents et les compétences, bien s’entourer et faire travailler les gens ensemble.»Résultat, on vient du monde entier pour rallier l’équipe de ce Bourguignon qui préfère les vins de Bordeaux, de ce gaillard jovial, bonnes joues et cheveux coupés courts, qui ressemble à Bernard Hinault au même âge.
Source :
https://www.liberation.fr/france/2018/10/08/jean-pierre-ploue-roulez-carrosseries_1684012
Il y avait bien longtemps qu'on entendait plus parler de cet homme qui a été primordial pour la marque au tout début du siècle....C4, C5 I restylée, et bien d'autres... quand il est arrivé, c'est l'époque ou citron est descendu tout prés des 10% de part de marché... et j'ai bien cru qu'ils allaient la laisser mourir....puis ce fut une belle remontée vers les 12/13% et le lancement de la gamme DS avec l'appuis de monsieur Streiff (sans qui l'aventure DS n'aurai peut-être jamais existé) qui avait permis a citron de revenir vers les 15%.... et aurai pu faire bien plus....
Heureux d'avoir de ses nouvelles...