Interview d'Amaury de Bourmont "je suis serein pour Citroën en 2020"

A. Le marché automobile français :
Le marché automobile français est resté stable en France à 2 214 279 unités marqué par une chute des ventes sur les particuliers tandis que les ventes de Citroën sont en hausse de 10% à 235 110 unités avec un vrai succès chez les particuliers. Que cela vous inspire-t-il ?
C'est un très, très bon résultat pour Citroën qui traduit le succès et la qualité des récents produits de Citroën qui répondent parfaitement bien aux besoins du marché. Cela conforte notre stratégie établie il y a plusieurs années notamment à travers le Fair Pricing, qui consiste à vendre les voitures à leur juste prix, ainsi que la Core Model Strategy dont l'objectif est de se concentrer sur les modèles qui correspondent le mieux aux besoins du marché. Enfin, globalement, ce résultat montre et récompense le travail énorme réalisé par le réseau et les équipes du Commerce France et de la Marque. 2018 a été l'année où nous avons arrêté la chute des immatriculations et elles se sont véritablement redressées en 2019. Pour parler des ventes à particuliers, le résultat est important puisque Citroën a quasiment diminué de moitié en deux ans l'écart avec ses deux concurrents en parts de marché. Il y avait plus de 7 points d'écart fin 2017, il est, à fin 2019, un peu supérieur à 3 points ce qui signifie que Citroën n'est plus très éloigné des leaders du marché et c'est une excellente nouvelle.
Comment percevez-vous le marché français en 2020 qui sera marqué par la mise en place de deux bonus-malus dans un temps très court ? Va-t-on avoir deux premiers mois difficiles avant une remontée à partir de mars ?
Objectivement, répondre à cette question est difficile. On s'attend à un marché de janvier et février sensible à cette évolution du bonus-malus. Plusieurs voix s'accordent pour dire que le marché VP devrait être en légère baisse tandis que les utilitaires stagneraient. Pour Citroën, nous sommes relativement sereins par rapport à cela puisque, depuis longtemps maintenant, notre gamme et nos produits sont bien positionnés. Nous n'avons pas eu besoin de faire de VD en décembre comme nous n'avions pas eu à le faire en août ou en 2018. Globalement, notre gamme est très compétitive et nous sommes sereins sur notre capacité à rester compétitifs avec les nouvelles grilles du malus même si nous aurions préféré en avoir qu'une plutôt que deux.

B. Le point par modèle :
La C3 continue d'afficher de belles performances avec des ventes en hausse de 3,62% et ce pour la troisième année consécutive. Quelle est la raison de ce succès qui dure dans le temps ?
Premièrement, la C3 est une excellente voiture. Nous en sommes très fiers car c'est le modèle qui a inauguré notre stratégie de Fair Pricing et avec lequel il a fallu convaincre nos clients, nos équipes et notre réseau que les choses changeaient et qu'on ne pouvait plus vendre une C3 avec 6 000€ de remise. Ça a pris un peu de temps mais c'est maintenant bien ancré dans les mœurs et on se retrouve avec un véhicule qui marche extrêmement bien avec des valeurs résiduelles excellentes. La C3 marche également très bien sur le marché des véhicules d'occasion, c'est important à souligner. Avec C3, on est sur un cycle de vie très vertueux où la demande reste très forte, elle n'a d'ailleurs jamais été aussi forte qu'aujourd'hui. On atteint 80 000 ventes en France en 2019, niveau que nous n'imaginions pas atteindre au lancement de la voiture. De même, la répartition des ventes est très saine puisqu'elle se répartit en 2/3 pour les particuliers et 1/3 pour le B2B.
Les concurrentes de la C3 à savoir Clio et 208 ont été renouvelées. Elles apportent toutes deux des solutions électrifiées soit hybride soit électrique, pensez-vous que cela puisse impacter la C3 qui n'a pas de version électrifiée ? Comment Citroën compte s'y prendre pour soutenir la C3 face à ces deux concurrentes plutôt redoutables ?
Clairement, on ne concurrencera pas la 208 électrique ni la Clio hybride, on luttera uniquement sur leurs versions thermiques. Mais depuis que Peugeot et Renault ont renouvelé leurs voitures, nous n'avons jamais pris autant de commandes de C3 pour une raison simple : comme il s’agit de nouveaux modèles, la C3 est mécaniquement plus compétitive. Je n'ai aucune inquiétude majeure sur C3 (et C3 Aircross pour les mêmes raisons) car avec le renouvellement de la concurrence, il y a beaucoup de clients qui font le tour des concessions, qui découvrent parfois nos voitures et cela nous permet d'engranger beaucoup de commandes.

Le C3 Aircross a affiché un solide premier semestre grâce aux raisons que vous aviez expliquées lors de notre interview de juillet. En revanche, le second semestre est nettement moins bon, eu égard également à une base de comparaison biaisée par rapport à 2018. Êtes-vous satisfait des ventes du C3 Aircross ?
2019 est une belle année pour C3 Aircross puisqu'il dépasse les 2% de part de marché. On s'est battu plusieurs mois pour être numéro un sur les ventes à particulier, on l'est en décembre comme nous l'avons été au mois d'août. Sur le marché des particuliers, C3 Aircross fait quasiment jeu égal avec ses deux concurrents français et nous en sommes très satisfaits. Là où c'est plus compliqué c'est sur le B2B où nos concurrents font mieux que nous. L'objectif pour 2020 est de placer C3 Aircross dans le top 10 des ventes en France, il est onzième en 2019, et je pense que la voiture a les capacités pour le faire. Il faut se rappeler que C3 Aircross possède peu ou pas de parc à remplacer, puisque les volumes sur C3 Picasso étaient assez faibles, c'est donc une vraie belle performance qu'il soit à ce niveau.
Malgré des ventes en hausse, C4 Cactus reste très loin de ses concurrentes 308 et Mégane. Si le premier semestre fut bon, les ventes du second semestre ont patiné avec une baisse de plus de 10%, l'effet du restylage est-il déjà fini ?
Là aussi, il faut se rappeler d'où on vient avec C4 Cactus. Avec le restylage, nous avons réussi à le repositionner comme berline compacte et avec un réel succès puisque les chiffres de ventes sont encourageants. Pour le second semestre, nous avons eu des difficultés d'approvisionnement en motorisations diesel où la demande était assez forte et que nous n'avons pas réussi à livrer. Les commandes restent bonnes, elles sont toujours en hausse. C4 Cactus reste le véhicule le plus confortable de son segment avec des coûts d'entretien parmi les plus réduits, c'est un véhicule qui a trouvé son public et je ne me fais aucun doute, il fera une bonne année 2020 jusqu'à la période du renouvellement.

C5 Aircross s'est installé dès sa sortie dans le Top 20 des ventes en France et a pris quasi immédiatement la deuxième place des ventes de son segment, place qu'il a maintenue tout au long de l'année. Néanmoins, ses ventes semblent stagner à cette position, que manque-t-il à C5 Aircross pour accroître sa part de marché ?
Il nous manque un peu de temps notamment pour être référencés dans les grands comptes Depuis quelques mois, nous avons mis en place un plan d'actions spécifique pour le B2B qui commence à porter ses fruits en nous permettant d'atteindre les objectifs fixés sur les PME/PMI mais on n'y est pas encore sur les grands comptes et les loueurs, c'est clairement sur ce domaine que l'on a un potentiel à aller chercher. Du côté des particuliers, C5 Aircross se rapproche de plus en plus de la première place mais l'écart se réduit. Pour 2020, on est relativement confiants pour réaliser une performance sensiblement supérieure à 2019 avec C5 Aircross qui a le potentiel, notamment avec l'arrivée de la version hybride, pour intégrer le top 10 voire se positionner devant le C3 Aircross.
Justement, vous lancez le C5 Aircross hybride, va-t-il s'adresser plutôt aux flottes ou aux particuliers ? Quelle part la version hybride peut-elle représenter sur l'ensemble des ventes du C5 Aircross ?
Oui la version hybride du C5 Aircross va nous permettre d'augmenter nos parts de marché notamment sur le marché des entreprises, cible privilégiée du véhicule. On estime que les ventes du C5 Aircross hybride pourraient représenter entre 25 et 30% des ventes totales de C5 Aircross. En partie, ces ventes d'hybrides seront des ventes en complément des motorisations diesel et essence. Une autre partie devrait se faire au détriment des motorisations thermiques à égale répartition entre diesel et essence. Il ne faut pas oublier, lorqu'on parle du C5 Aircross, que nous avons au catalogue C4 SpaceTourer qui continue de réaliser de bons scores et qui concurrence le C5 Aircross, un contexte que ne connaît pas le 3008 par exemple.
Puisque vous évoquez le C4 SpaceTourer, est-ce que la répartition des ventes entre les versions 5 et 7 places a évolué depuis l'arrivée du C5 Aircross ?
Les chiffres que le C4 Spacetourer réalise nous surprennent encore aujourd'hui, nous en avons vendu beaucoup. Plus que ce que nous pensions à l'origine.

Vous aviez indiqué lors de notre interview en juillet que les ventes d'utilitaires allaient se redresser au deuxième semestre, ce qui s'est vérifié, Citroën terminant l'année dans le positif. Quel est votre objectif sur les utilitaires en 2020 ?
On était clairement sur une bonne tendance sur les utilitaires en fin d'année. C'est vrai que nous avons beaucoup souffert de la transition entre les deux générations de Berlingo. En 2020, nous visons une part de marché supérieure à 16%, sachant que nous sommes à 15,5% sur 2019. C'est un objectif réalisable puisque c'est le niveau que nous avons effectué sur le second semestre 2019. Pour réaliser cet objectif, on va clairement miser sur Berlingo car il a le potentiel pour aller plus loin.
Vous lancez Jumper et Jumpy en versions électriques en 2020, quels sont vos objectifs avec ces deux voitures ? A ce stade, on table sur de petits volumes aux alentours du millier de véhicules qui devraient venir en complément des motorisations thermiques. On va lancer ces deux voitures en cours d'année, c'est un nouveau segment de marché pour lequel nous manquons de vision donc nous tablons sur des volumes assez limités et nous verrons ce qu’il est possible de faire.
Quel est l'objectif pour Citroën en 2020 ?
Nous avons fait 10,6% sur les VP en 2019 et nous ambitionnons d'atteindre les 11% en 2020 ce qui nous permettra d'atteindre les 12,5% de part de marché en VP et VU si nous atteignons les 16% sur les VU.

C. Le point sur le réseau :
Concernant le réseau de distribution, on voit de plus en plus de concessions tri-marque. Est-ce l'avenir et cela peut-il impacter le consommateur ?
Lorsqu'on fait des concessions bi-marque, tri-marque voire quadrimarque, on veille à respecter scrupuleusement l'univers de chacune des marques. Nous venons de lancer Spoticar sur le marché des véhicules d'occasion qui est un label qui couvre toutes les marques sauf DS et de ce côté-là aucune difficulté n'est à prévoir. Dans le domaine de l'après-vente, domaine partagé dans ces concessions multimarque, nous avons mis en place une charte de l'après-vente pour que les clients se sentent bien reçus.
On sait que Citroën comptera à l'avenir une gamme assez réduite ne couvrant pas la totalité des segments du marché. Comment, dans ce cas, augmenter les ventes et la part de marché ?
Vous constatez qu'avec la gamme actuelle, qui sera peu ou prou dans la même configuration à l'avenir, nous parvenons à réaliser de belles performances en 2019 et nous comptons continuer en ce sens en 2020. L'objectif n'est pas d'avoir un maximum de voitures, c'est d'avoir les bons modèles qui couvrent la partie la plus large possible du marché. C’est avoir des modèles qui donnent envie aux consommateurs de les acheter. C'est tout le sens de la stratégie mise en place depuis 2014 et qui a porté ses fruits de façon éclatante en 2019 pour Citroën.